Les prothésistes dentaires s’équipent en technologie pour fournir des couronnes qui ressemblent de plus en plus à de vraies dents et pour tenir face à la concurrence chinoise.
Sans-dents toi-même !
Au laboratoire de Jérôme Giroux, à Reims, où huit employés fabriquent des prothèses dentaires toute la journée, la méchante polémique lancée par l’ex-compagne du président de la République n’a pas passé la porte. « On n’a pas trop fait attention à cette histoire. Il est vrai que remplacer ses dents manquantes n’est pas accessible à tous parce que la Sécurité sociale ne rembourse presque rien. Pour nous, qui fabriquons la prothèse, ce n’est pas du commerce. J’ai le même prix unique de couronne en céramique depuis 1990 ! Nous sommes d’abord des artisans » Une nouvelle empreinte en vue de la confection d’une couronne arrive en provenance d’un cabinet dentaire client. Elle est coulée en plâtre. Le travail commence. « Avant qu’on intervienne, il y a un gros travail de préparation en amont du dentiste. Il nous fournit une prescription très précise. » Le modèle en plâtre qui reproduit la dentition est placé dans l’appareil à scanner.
Son image apparaît en 3D sur l’écran de l’ordinateur. À l’aide d’un logiciel adapté, David, l’un des techniciens de la maison, crée virtuellement la future prothèse.La conception des prothèses démarre sur un ordinateur avant de se poursuivre sur une machine à fusion laser.
Un label « fabriqué en France »
« Nous sommes à un virage technologique de notre profession », poursuit Jérôme Giroux. « On innove pour rester performant face à la concurrence bon marché de pays comme la Chine. C’est pour y répondre qu’on vient de créer une coopérative. Elle nous a permis d’acheter une machine de fabrication additive par fusion laser. Onze laboratoires de la région y sont déjà rattachés. Le but étant de produire du haut de gamme. »
Quand David est satisfait de sa création, il envoie par ordinateur un ordre de fabrication à la coopérative récemment installée sur la zone de Bezannes où se trouve la fameuse machine. Dès le lendemain, est livré un support en métal aux mesures exactes. « Nous prenons soin d’utiliser les meilleurs matériaux. L’objectif est de réaliser une prothèse la plus proche possible de la dent originale tant sur la forme que sur la couleur. Cela ne m’intéresse pas qu’on dise à mes clients qu’ils ont de superbes couronnes ! »
Le prothésiste se métamorphose. Il passe d’informaticien à artiste et prend le pinceau. La céramique est composée à partir d’une photo de la dentition du patient pour avoir la couleur la plus fidèle. Elle est appliquée puis cuite. « Notre force doit rester la qualité et aussi la réactivité. Environ 30 % des prothèses arrivent maintenant de Chine, c’est pourquoi nous avons créé un label ‘‘fabriqué en France’’ que les dentistes communiquent à leurs patients. C’est un gage de qualité. »
La couronne est enfermée dans un sachet. Tout a été soigneusement stérilisé. Un certificat de traçabilité est joint à l’envoi. « Il faut deux heures et trente minutes en temps cumulé pour réaliser une couronne. Le laboratoire peut livrer en 72 heures en cas d’urgence, sinon il faut compter une semaine. » Le patient n’aura eu aucun contact avec Jérôme, David, Sandrine et toute l’équipe du labo. L’important pour eux est qu’il ressorte de chez son dentiste avec un sourire dont il est fier. Puisque, lui, a eu les moyens de s’offrir une nouvelle dent.
Comment devient-on un «sans-dents»
« Si on avait moins de charges, on pourrait réduire nos tarifs. Le coût d’un cabinet dentaire prend 60 % de ce que l’on gagne », confie Thibault, dentiste dans la Marne. « Chez moi, la pose d’une couronne coûte 600 euros, c’est à peu près le montant pratiqué dans la région. Si vous allez à Compiègne, par exemple, ce sera 1 000 euros et encore davantage à Paris ou à Marseille. » Aux 600 euros, il faut ajouter autour de 300 euros de soins annexes (pivot, dent provisoire…) et doubler au moins la somme si un implant est nécessaire à la place de la racine. « Sont inclus dans les 600 euros le coût de la couronne, quatre ou cinq séances de travail d’environ une heure, le coût d’une anesthésie, le produit d’empreinte et des tas de petits éléments qui s’ajoutent. Certains dentistes, notamment à Paris, achètent des prothèses chinoises. Elles coûtent dix fois moins chers mais ils n’ont pas le même service de proximité. » Pour Thibault, l’injustice tient au peu de remboursement de la Sécurité sociale : « Ceux qui bénéficient de la CMU sont pris en charge mais ceux qui gagnent juste un peu plus n’ont droit qu’à 75 euros de remboursement… C’est le même tarif depuis 1984 ! » C’est ainsi qu’ils peuvent se retrouvent « sans-dents ». Le président du conseil de l’ordre des dentistes de la région, Alain Mollet, incite les personnes peu fortunées à discuter avec leur dentiste pour étaler les paiements : « On trouve toujours une solution. » Et il insiste sur la prévention : « Avec un bon suivi dès l’enfance, on évite le besoin de prothèses. »
Source : lunion.presse.fr – 16/09/2014 Par Catherine Frey