Lettre ouverte au fondateur du collectif contre Dentexia

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Le président de la Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux, syndicat majoritaire des Chirurgiens-Dentistes, a interpellé le fondateur du Collectif contre Dentexia à propos de récents scandales ayant éclaboussé plusieurs centres « low cost » (litiges financiers, abandon de patients…)

Monsieur le fondateur du Collectif contre Dentexia,
La Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux que je préside est consternée par le scandale sanitaire sans précédent en médecine bucco-dentaire auquel nous assistons depuis 6 ans. Sachez que nous ne sommes, hélas, pas surpris de constater le regroupement via votre collectif de
plusieurs centaines de patients mutilés et escroqués financièrement par les dirigeants et les salariés de ce centre. Nous avions alerté les pouvoirs publics régulièrement depuis l’apparition des premiers centres ayant constaté les premières dérives comme le refus de soigner les enfants ou de réaliser des soins dentaires conservateurs courants.
Nous connaissions parfaitement bien le profil de ces dirigeants et leurs méthodes mercantiles comme le simple fait de faire souscrire un crédit au patient pour financer des prothèses ou implants, qui au final, seront payés mais jamais posés. Ceci est, bien entendu, parfaitement illégal au regard de notre Code de Déontologie.
Aujourd’hui, devant ce désastre, notre rôle de syndicat est d’éviter que cela se reproduise, c’est la raison pour laquelle, le Ministère de la Santé, toutes les Préfectures et toutes les Agences Régionales de Santé où est implanté ce type de centre, seront sollicités et alertés dans les jours qui viennent par nos représentants syndicaux mais également par nos élus au sein des URPS.
Nous leur rappellerons leur totale responsabilité dans cette affaire. Ayant été informé de tout cela par nos différents syndicats, les Unions Régionales des Professionnels de Santé –Chirurgiens-Dentistes, et le Conseil de l’Ordre National depuis plus de 6 ans, il sera difficile pour ces
représentants de l’État de trouver des circonstances atténuantes et nier l’évidence.
Les dizaines de plaintes déposées à l’encontre de ces centres et le comportement des pouvoirs publics qui consistent à relativiser les faits, voir les occulter, démontre bien l’incapacité de nos politiques à trouver une solution à un scandale sanitaire annoncé.
Sous couvert « d’accès aux soins pour tous », cette politique de l’autruche qui devait arranger tout le monde, à l’exception des cabinets libéraux ou centres dentaires mutualistes qui remplissent chaque jour leur mission de santé publique, montre toute son incohérence coupable.
Sachez que les élus aux URPS de notre syndicat, en région Rhône Alpes/Auvergne, seront vos interlocuteurs, car le rôle de ces instances dirigées uniquement par des chirurgiens-dentistes libéraux est de trouver des solutions pour éviter ou résoudre une crise sanitaire de cette ampleur.
Sans l’intervention de l’un de nos élus auprès du Préfet, le centre dentaire Dentexia de Lyon serait toujours ouvert et nous nous félicitons du rôle majeur que nous avons eu dans cette prise de décision par l’ARS alertée par le Préfet.
Pour revenir au sujet qui préoccupe les centaines de plaignants et victimes que vous représentez, la première solution évidente pour que vous puissiez être pris en charge médicalement et indemnisés financièrement, est que votre collectif dépose une plainte et se porte partie civile contre l’Etat Français car depuis la promulgation de la loi de modernisation de Santé par notre Ministre de la
Santé, Mme Marisol Touraine, l’État devient RESPONSABLE de la politique de Santé (Article 1). En autorisant la prolifération sauvage de ces centres dentaires « low cost », sans aucune régulation ni aucun contrôle, l’Etat via les Agences Régionales de Santé qui ont délivré des numéros d’agrément FINESS à ce type d’association loi 1901, devient entièrement responsable des dérives médicales mercantiles de ces centres et devra indemniser toutes les victimes. Avant la loi Touraine, l’État « évaluait » la politique de santé, désormais depuis le 14 décembre 2015,
elle en est responsable avec même l’apparition d’un droit à la santé
Article L. 1411-1 : « La Nation définit sa politique de santé afin de garantir le droit à la protection de la santé de chacun. »
Nous notons également dans cette loi que l’Etat assure la prise en charge collective des conséquences financières et sociales de la maladie par le système de protection sociale ce qui laisse supposer une indemnisation totale dans l’affaire qui vous concerne.
Ne doutez pas que vos témoignages nous seront très utiles pour réguler les installations à venir de ces centres « low cost » qui pullulent depuis 2 ans ( 1 centre dentaire ouvre tous les 2 mois en région parisienne) et ainsi éviter d’autres scandales sanitaires comme il en existe également dans d’autres pays (Cf Espagne http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/02/20/espagne-et-maintenant-la-
Pour terminer, ne croyez pas une seule seconde qu’il est possible de réaliser une dentisterie « sociale » de qualité, car la Santé, comme tout autre secteur d’activité a un coût. Vouloir diminuer ce dernier entraine inévitablement des restrictions sur le plateau technique et la sécurité. Ce qui est acceptable dans un secteur comme l’alimentation ou le textile ne l’est pas dans le secteur de la
Santé. Souvenez vous du scandale du sang contaminé ou des prothèses mammaires PIP et tirez en les conclusions qui s’imposent.
Bien cordialement,
Dr Patrick SOLERA
Président de la Fédération des Syndicats Dentaires Libéraux