- Un an après l’entrée en vigueur du confinement, décrété le 17 mars 2020 pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, 20 Minutes s’intéresse aux conséquences des douze mois écoulés sur la vie des Français. Et notamment sur leur santé bucco-dentaire.
- En mars 2020, les dentistes ont fermé leurs cabinets durant toute la durée du premier confinement. Et lorsqu’ils ont repris leur activité, certains actes ont été suspendus en raison du risque de diffuser le virus.
- La profession s’est organisée pour rattraper le retard pris, et du côté des patients, de nouveaux réflexes ont émergé.
Détartrage, soins sur une carie ou pose de couronne. C’est rarement une partie de plaisir, mais le dentiste, il faut bien y aller de temps en temps. Or en France, ce n’est pas une habitude pour tout le monde. Par phobie, par peur du coût ou par flemme, chacun a ses raisons de sécher. Pour d’autres, c’est le fait de vivre dans des départements peu dotés en praticiens. Et le Covid-19 n’a pas arrangé les choses, avec des cabinets dentaires fermés durant le premier confinement.
Et aujourd’hui, un an après le début de la crise sanitaire, prenons-nous suffisamment soin de nos dents ? L’accès à la santé bucco-dentaire est-il plus compliqué ? Alors que la Journée mondiale de la santé bucco-dentaire a lieu samedi prochain, 20 Minutes s’intéresse à vos quenottes.
La visite annuelle trop souvent zappée
Avant la pandémie, les Français n’étaient donc déjà pas des champions en la matière. « J’ai une bonne hygiène dentaire mais je ne vais jamais chez le dentiste. La dernière fois remonte à une dizaine d’années peut-être », confie Aline, la trentaine. Tout en reconnaissant qu’une « consultation pour un détartrage et pour vérifier qu’il n’y a pas de caries ne serait pas du luxe ». Le dentiste, chacun devrait en voir un chaque année. Mais en pratique, comme Aline, nombreux sont celles et ceux qui zappent cette visite annuelle. « Quatre Français sur dix ne consultent pas les cabinets dentaires, indique le Dr Christophe Lequart, chirurgien-dentiste en Indre-et-Loire et porte-parole de l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD). Et ceux qui viennent n’ont pas forcément l’habitude de consulter chaque année ».
Il est même recommandé « une visite tous les six mois pour les personnes ayant des pathologies chroniques comme le diabète, des maladies cardiovasculaires ou des maladies articulaires inflammatoires, parce que ces patients sont plus à risques en raison de l’interaction entre la santé dentaire et la santé générale », souligne le dentiste. Car si ça tourne mal dans la bouche, des effets délétères peuvent se manifester dans tout l’organisme (voir encadré).
Un retard pas encore comblé, mais de nouveaux réflexes
Problème : lors du premier confinement, les dentistes ont dû fermer durant deux mois leurs cabinets. Et à la reprise, certains actes à hauts risques de diffusion du coronavirus – comme les détartrages — ont été suspendus plusieurs semaines. « Nous sommes l’une des populations médicales les plus à risques : on baigne dans la salive », commente le Dr Lequart. Conséquence de cette activité perturbée : « le retard pris il y a un an n’a pas encore été totalement comblé. On n’a pas pu rattraper tous les rendez-vous décalés, d’autant que des praticiens n’ont jamais repris. Certains, un peu âgés et ayant des comorbidités, ont préféré partir à la retraite de manière prématurée. Ici en Indre-et-Loire, cela représente environ la moitié des quatorze praticiens partis à la retraite l’an dernier ». Un tour sur un site de réservation de consultation montre ainsi que dans ce département, il faut souvent plusieurs mois d’attente pour un rendez-vous.
Alors aujourd’hui, dans les secteurs les moins bien dotés en dentistes, mieux vaut ne pas être pris d’une rage de dents inopinée. « On fait comprendre aux patients que la consultation en urgence calée entre deux rendez-vous n’est plus possible à cause des contraintes sanitaires, souligne le Dr Lequart. On reçoit moins de patients, mais on s’organise pour garder quelques créneaux de libres ou assurer des gardes les week-ends ».
Une situation qui, paradoxalement, a fait émerger de nouveaux réflexes. « Pour les urgences dentaires, la téléconsultation s’est développée. Et avec des délais d’attente aussi longs, les patients n’attendent plus pour programmer leurs soins importants de type prothèses, observe le dentiste. Avant, ils attendaient la réponse de leur complémentaire sur leur prise en charge, puis prenaient rendez-vous. Maintenant, ils nous disent : « si je dois faire des prothèses, autant le faire cette année tant que j’ai ma mutuelle d’entreprise« , parce qu’ils craignent à moyen terme de perdre leur emploi. Par ailleurs, la mise en place cette année du reste à charge zéro a aidé un certain nombre à se remobiliser sur leur santé bucco-dentaire ».
Un protocole sanitaire strict
Résultat : les cabinets ne désemplissent pas et, l’un dans l’autre, « ce n’est pas plus compliqué qu’avant le coronavirus d’être en bonne santé bucco-dentaire. Le fait d’avoir différé certains soins a eu un impact assez marginal, assure le Dr Lequart. Et dès la reprise, nous avons mis en place des protocoles sanitaires très stricts ». Côté praticiens, « masques FFP2, blouse, surblouse, gants, visière ou lunettes de protection et calot sur la tête, pour un look à la Dr Mamour de Grey’s Anatomy, plaisante le dentiste. Les patients, eux, sont attendus pile à l’heure – les salles d’attente étant majoritairement fermées — et invités systématiquement à se désinfecter les mains. De plus en plus, l’utilisation d’un bain de bouche réduisant la charge virale est parfois demandée ».
Mais la première des précautions, c’est l’aération : « 15 minutes entre chaque patient pour éliminer les gouttelettes, rappelle le dentiste. Et pour les cabinets sans fenêtre, des dispositifs élaborés durant la pandémie sont une solution intéressante ». Car « on sait que le Covid peut vivre dans l’air intérieur pendant trois heures. Donc s’il n’y a pas de renouvellement, c’est une catastrophe, abonde Alexandre Okorokoff, PDG de la société OKO Pur, qui distribue dans l’Hexagone des dispositifs à lampe UV de désinfection de l’air. Nous avons déjà équipé des cabinets dentaires et notre déploiement va se poursuivre ».
Et puisque l’ennemi, ce sont ces fameuses microgouttelettes potentiellement gorgées de charge virale, projetées en cas notamment de détartrage ou d’aéropolissage des dents, « il existe désormais un système d’aspiration qui évite l’aérosolisation et qui intéresse beaucoup de cabinets dentaires », indique le Dr Lequart. Breveté et baptisé StopAero, il réduirait « de 90 % l’émission d’aérosols », promettent les concepteurs. De quoi « limiter les risques de propagation de maladies telles que l’hépatite, l’herpès, la mononucléose. Et bien sûr, le Covid-19 ».