La dernière émission « Questions expresso avec l’ADF » avec pour invité Serge Fournier, Président du Conseil de l’Ordre des Chirurgiens Dentistes a mis sur la table la délicate question des tests sérologiques pour la détection du COVID-19. Les choses avancent vite…
L’Inserm, et le réseau sentinelles sont en train de monter une étude de séroprévalence donc de suivi du statut immunitaire des professionnels de santé libéraux et a décidé d’inclure les chirurgiens dentistes libéraux pour pour faire une étude et un suivi sur 12 mois. Outre ces tests strictement réservés à l’équipe dentaire soignante, l’ADF a contacté la semaine dernière le CNRS et le CHU de Montpellier pour élaborer un test diagnostic salivaire cette fois ci pour être mis en oeuvre directement sur les patients au cabinet dentaire.
Ce test « permettraient de savoir la quantité de virus dans la salive de nos patients, une information importante puisque on sait que notre défi c’est de connaitre l’aérosol produit est ce que ces aérosols sont contaminé ou pas donc ce test pourrait être un élément de réponse mais là encore rien n’est validée on surveille ça on est en contact direct l’équipe de recherche » (Julien Laupie Secrétaire National de l’ADF)
Plusieurs questions se posent toutefois quand à l’application de ces tests et leur mise en oeuvre dans le cadre de notre pratique notamment eut égard au code de déontologie.
La première interrogation du praticien serait de se sentir obligé de poser un diagnostic médical, qui plus est infectieux, sur une pathologie générale nouvellement apparue et pour laquelle le traitement ou l’issue de la guérison sont encore incertains.
« Sauf circonstances exceptionnelles, il ne doit pas effectuer des actes, donner des soins ou formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent sa compétence professionnelle ou les possibilités matérielles dont il dispose. » Article R. 4127-204
L’Article R. 4127-239 du code de déontologie nous met également en garde sur la divulgation d’un diagnostic qui peut s’avérer « fatal » pour le patient et les conséquences tant sur le plan personnel que familiale que cela peut induire.
Se pose également la question de la fiabilité de tels tests compte tenu de la rapidité de déploiement dans le cadre de notre pratique que cela impliquerait : « Divulguer prématurément dans le public médical et dentaire en vue d’une application immédiate un procédé de diagnostic ou de traitement nouveau insuffisamment éprouvé constitue de la part du praticien une imprudence répréhensible s’il n’a pas pris le soin de mettre ce public en garde contre les dangers éventuels du procédé. » Article R. 4127-226″ sachant que dans dans le domaine des tests épidémiologiques, des faux négatifs ou faux positifs ne sont pas à exclure.
Et puis il faut également se poser la question le financement d’une telle campagne. Comme l’a bien souligné J. Laupie secrétaire national de l’ADF : « une reprise d’activité c’est 300000 patients par jour dans nos cabinets et pour quel coût parce que pour l’instant les tests complets sont à 10 ou 15 euros l’unité est on se rend bien compte que économiquement par rapport à notre activité il faudra trouver des système et des dérogations qu’on devra mettre en place pour que ça marche » (Julien Laupie Secrétaire National de l’ADF)
On peut imaginer que les autorités aient vu dans les quelques 40000 dentistes qui reprendront l’activité prochainement, (certainement sur un rythme « progressif » d’après ce qu’on nous annonce) un moyen supplémentaire pour tester la population à une grande échelle ? mais dans ce cas là ce test aurait il une cotation CCAM spécifique ? avec une prise en charge par l’Assurance Maladie ? et sous quelles conditions de rémunération pour le chirurgien-dentiste eut égard au temps passé à le réaliser en plus du coût du test lui même ? Si tel est le cas il faudra peut être devoir repenser complètement notre place de soignant avec les responsabilités qui vont avec.