Alors que, depuis 2017, l’Europe exhorte la France à se mettre en conformité avec le droit communautaire, le Conseil d’Etat lève l’interdiction de publicité pour les professionnels de santé. Dans sa décision rendue le 6 novembre, il considère cette interdiction comme non-conforme au principe de libre concurrence et invalide la position de la ministre des solidarités et de la santé. Un tournant décisif pour les médecins et les dentistes, qui pourront désormais se battre à armes égales face à leurs homologues européens.
Fin de la concurrence déloyale et d’un système hypocrite
« C’est un vent de liberté qui s’ouvre pour les médecins et les professionnels du secteur bucco-dentaire. Par sa décision, le Conseil d’Etat vient de mettre fin à 70 ans d’arbitraire et d’hypocrisie. »
Pour Fabrice Di Vizio, avocat spécialisé dans les questions de santé, la décision du Conseil d’Etat signe une réelle victoire. Depuis plus de dix ans, il mène un combat pour la reconnaissance de l’illégalité des dispositifs français en matière de publicité. « Il n’est pas question d’autoriser tout et n’importe quoi ou de supprimer toute réglementation. Mais la publicité procède de la connaissance, d’autant plus à l’heure des réseaux sociaux et des outils modernes de communication. En Italie, cette question est réglée depuis longtemps et la médecine ne s’est pas effondrée pour autant ».
L’illégalité des textes français reconnue
Le cabinet d’avocat franco-italien n’a ainsi pas hésité, en 2016, à saisir la Commission Européenne, qui a engagé une procédure d’infraction à l’encontre de la France. Mais depuis, rien n’avait bougé, mis à part la vague promesse de la Ministre de la Santé de faire évoluer le code de la santé publique. Pendant ce temps, certains médecins continuaient de voir leurs carrières détruites, risquant jusqu’à la radiation pour un simple article dans un journal ou la mention d’un diplôme sur leur site internet.
« Dernièrement, j’ai défendu le cas d’un médecin de haute montagne, accusé d’avoir installé un panneau trop grand pour indiquer l’emplacement de son cabinet. Il a écopé d’une suspension de plusieurs mois », explique maître di Vizio.
Des demandes d’indemnités à l’Etat
Afin de mettre l’Etat Français face à ses obligations, le cabinet d’avocat a finalement décidé de saisir le Conseil d’Etat le 30 avril 2018.
Le 6 novembre 2019, le Conseil d’Etat lui donne gain de cause, invalidant la décision implicite de la ministre de la Justice de ne pas abroger le Code santé publique. Le Conseil d’Etat requiert également le versement d’indemnités, à hauteur de 3000 euros, pour les deux requérants mis en cause par l’Ordre des médecins dont le dossier faisait l’objet de la saisine.
Une décision capitale, qui rend illégales les centaines de sanctions antérieures prononcées par l’Ordre des médecins sous le motif d’interdiction de publicité. Dans la continuité de l’arrêt du Conseil d’Etat, Maître di Vizio va désormais poursuivre l’Etat et réclamer des dommages et intérêts pour tous les praticiens sanctionnés à tort.