C’est un fait désormais connu, les métiers du monde médical sont plus à risque de suicide que l’ensemble des professions. Les médecins, les infirmiers, les internes, même les étudiants en médecine sont touchés. Moins connu, le suicide des dentistes, un phénomène dont on parle peu, mais surreprésenté dans la population des soignants. Ces témoignages d’étudiants pour Remede.org doivent alerter nos confrères.
Un métier qui a changé
Les statistiques sont rares, mais les faits sont là. Le métier de dentiste a beaucoup changé ces 20 dernières années, tout comme le métier de médecin ou de pharmacien. Les pharmaciens mettent de plus en plus la clé sous la porte, les médecins voient leur image de notable s’effriter, et les dentistes sont aujourd’hui vus comme les garagistes de la médecine, des escrocs, malgré des frais de fonctionnement toujours plus grands et un niveau de vie toujours plus bas comparativement à leurs aînés retraités.
Les étudiants endettés
Cette évolution du métier n’est pas toujours connue des jeunes étudiants qui réussissent le concours de PACES. Maria, étudiante en 5e année à la faculté dentaire de Lyon, explique « que beaucoup s’imaginent riches, et s’endettent dès la fac pour une belle voiture ou une soirée arrosée », mais beaucoup se retrouvent surpris par la somme de travail une fois en cabinet. Benoit, installé depuis un an en région parisienne, nous explique, « des étudiants commencent à s’endetter dès la 2e année, sûrs de gagner beaucoup d’argent facilement, mais c’est un mirage ». Peu connu du grand public, le prix pour s’équiper est de 200 000 € en moyenne, fauteuil, chaîne de stérilisation, radio panoramique, etc. « Les patients, et les futurs dentistes eux-mêmes n’imaginent pas le coût de l’installation » précise Benoit, dentiste depuis 4 ans. « Le dentiste ne prend que 35 % sur sa facturation » ajoute t’ il, le reste va dans le fonctionnement du cabinet et dans les charges, « cela pousse donc les plus jeunes à un rythme de travail effréné pour obtenir le rythme de vie et le pouvoir d’achat qu’ils imaginaient ».
Un métier source d’isolement
L’argent et l’endettement des dentistes ne sont pas la seule source de stress, l’isolement est aussi en cause, car une grande partie des dentistes pratiquent seuls. Contrairement aux médecins, dont beaucoup pratiquent à l’hôpital, les dentistes se retrouvent en face à leur patient, sans confrère à proximité en cas de problème. En outre, un cabinet exigu, peu de lumière naturelle, des gestes répétitifs, une profession méprisée par les patients augmentent le stress généré par l’intensité d’une journée de travail.
Une formation insuffisante
La durée de formation d’un dentiste n’est que de 5 années après la PACES, pour la grande majorité qui choisit de ne pas passer l’internat, « les médecins nous dénigrent » et les « patients ne nous font plus confiance » explique Julien. L’image du dentiste semble pâtir encore plus de la détérioration de l’image des autres professionnels en blouse blanche. La formation des dentistes en France est souvent remise en cause, et beaucoup se retrouvent face à leur premier patient avec des formations insuffisantes pour certains gestes. Le stress est d’autant plus grand lorsque l’on se retrouve face à des patients avec la nécessité de prodiguer des soins que l’on ne se sent pas capable de faire.
Les plus exposés au burn-out après les policiers
On identifie communément la profession de chirurgien-dentiste comme étant la plus exposée aux symptômes du burn-out, le Bureau International du Travail la place juste après celle des policiers. Or, la profession de chirurgien-dentiste, toutes professions libérales confondues, est sans aucun doute celle qui pâtit des contraintes administratives, fiscales, sociales, matérielles et humaines les plus lourdes.
Les dentistes français ne sont pas les seuls, c’est un problème qui dépasse nos frontières. Aux États-Unis, la Société américaine de Dentisterie rappelle dans un rapport que les dentistes sont beaucoup plus touchés par les maladies cardiovasculaires liées au stress, les troubles neuropsychiatriques et un taux de suicide deux fois plus élevé que celui des autres professionnels de santé.
Au-delà de la nécessité de dénoncer ce fléau qui touche la profession, il devient nécessaire de donner les clés aux plus jeunes pour réussir leurs vies professionnelles. De meilleures compétences techniques, mais aussi des compétences managériales, de comptabilité et de fiscalité sont plus que nécessaires. Redonner le sourire aux dentistes devient un véritable enjeu de santé publique pour le bien de la profession et celui des patients.
Source : http://www.remede.org/documents/dentiste-profession-a-risque.html