Une mauvaise hygiène bucco-dentaire peut-elle avoir des incidences sur nos artères? La question peut paraître curieuse, car, a priori, il n’y a rien de commun entre la santé buccale et la santé cardiovasculaire. Pourtant, ces dernières années, un lien entre les maladies parodontales et le risque cardiovasculaire a été mis en évidence. Cache-t-il des causes pathologiques jusqu’alors ignorées?
Pour essayer de le comprendre, des chercheurs et des cliniciens de l’Inserm et de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de l’université de Rennes, rassemblés autour de Giuseppina Caligiuri, cardiologue à l’hôpital Bichat, et de Philippe Bouchard, odontologiste à l’hôpital
Une mauvaise hygiène bucco-dentaire peut-elle avoir des incidences sur nos artères?
La question peut paraître curieuse, car, a priori, il n’y a rien de commun entre la santé buccale et la santé cardiovasculaire. Pourtant, ces dernières années, un lien entre les maladies parodontales et le risque cardiovasculaire a été mis en évidence. Cache-t-il des causes pathologiques jusqu’alors ignorées? Pour essayer de le comprendre, des chercheurs et des cliniciens de l’Inserm et de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et de l’université de Rennes 1, rassemblés autour de Giuseppina Caligiuri, cardiologue à l’hôpital Bichat, et de Philippe Bouchard, odontologiste à l’hôpital Rothschild, contribuent au projet iVASC (Innovation in Atherothrombosis Science 2017-2020), porté par le Pr Gabriel Steq.' » Soutenu par le Programme d’investissements d’avenir à hauteur de 8,5 millions d’euros, iVASC est l’un des projets de recherche hospit 10- universitaire (RHU) sélectionnés en 2016 par l’Agence nationale de la recherche (ANR).
De la plaque dentaire aux plaques d’athérome
La plupart des maladies cardiovasculaires sont dues à l’obstruction d’artères par des plaques d’athérome, un phénomène nommé athérothrombose. Selon que le vaisseau concerné irrigue le cœur (artères coronaires) ou le cerveau, la thrombose peut provoquer un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral (AVC). Or, des recherches menées chez l’homme ont détecté, dans des plaques d’athérome, de l’ADN de bactéries associées aux maladies parodontales, telles que Tannerella forsythia et Porphyromonas gingivalis.
Des équipes de l’Inserm, à Paris, et les unités d’odontologie universitaires et de I’AP-HP ont montré, chez des patients atteints d’un rétrécissement (sténose) d’une carotide, que les micro-hémorragies des plaques d’athérome intra-carotidiennes – une cause de rupture de ces plaques, à l’origine d’AVC – sont associées à l’activation de globules blancs neutrophiles. Ils font l’hypothèse que cette activation est facilitée par les bactéries du « microbiote » bucco-dentaire participant aux maladies parodontales.
Les micro-organismes pénétreraient dans la circulation sanguine par la partie interne de la poche parodontale et adhéreraient aux lésions de la paroi artérielle. Là, elles exerceraient une action pathogène, directement par des facteurs chimiques, ou en stimulant une réaction inflammatoire qui contribuerait à la maladie athéromateuse ! »
Un microbiote buccal à explorer
Pour mieux comprendre ces liens, il faut d’abord clarifier les variations du microbiote bucco dentaire associées aux maladies parodontales et aux affections cardiovasculaires. À cette fin, on a d’abord analysé le nombre annuel de décès imputables aux maladies cardiovasculaires dans le monde, soit 31 % de la mortalité totale. Parmi ces décès, 80 % sont dus à une cardiopathie des artères coronaires ou à un AVC. Martine Bonnaure-Mallet et Vincent Meuric, chercheurs de l’unité Inserm « Nutrition, métabolismes et cancer» de Rennes 1 analyseront le microbiote de patients inclus dans des études cliniques. Sur cet aspect, le projet iVASC s’est adjoint un partenaire industriel, Colgate-Palmolive. À plus long terme, il s’agira de mesurer l’impact des parodontites sur l’incidence des troubles cardiovasculaires, que ce soit chez des survivants d’infarctus du myocarde ou d’AVC, ou dans la population générale, et d’étudier dans quelle mesure l’hygiène bucco-dentaire participe à la prévention des accidents cardiovasculaires. Les pistes de recherche sur les maladies cardiovasculaires, première cause de mortalité dans le monde, sont restées jusqu’à présent assez stéréotypées. Beaucoup ont porté sur l’hypertension artérielle, le taux de cholestérol, ou le diabète, tandis que l’industrie pharmaceutique a diminué ses investissements.
Le RHU iVASC prend donc le parti de creuser des facteurs de risque cardiovasculaire relativement négligés. Rendez-vous cl n quelques années pour savoir si cette nouvelle branche de recherche aura fructifié …
Source ADF’info
(1) http://www.ivasc.eu/ (2) M. Adolph el sl., « Oral health in relation to all-cause mortality: the IPC cohort study», in Sci. Rep., mars 2017, 7,44604. (3) M.J. LaMonte et al., « Histol}’ of Periodontitis Diagnosis and Edemuiism as Predictors of Cardiovascular Disease, Stroke, and Mortality in Postmenopausal Women », in J. Am. Heart Assoc., mars 2017,6(4), pii: e004518. (4) H. Rangé et al., « Periodontal bacteria in human csroud atherothrombosis as a potential trigger for neutrophil activation », in Atherosclerosis, octobre 2014, 236(2), 448-455. (S)A. 8run et el.,« Intraplaque hemorrhage, a potential consequence of periodontal bacteria gathering in human carotid atherothrombosis », in Bulletin Du Groupement International Pour La Recherche Scientifique en Stomatologie & Odontologie,juin 2016, 53(1), ell. (6) G. Hajishengallis, « Periodontitis: from microbial immune subversion to systemic inflammation », in Nat. Rev. Immuno/., janvier 2015,15(1). 30-44.